mercredi 16 mars 2011

TEXTE 2, La Leçon, "Arithmétique"

LE PROFESSEUR
Procédons autrement... Limitons-nous aux nombres de un à cinq, pour la soustraction... Attendez Mademoiselle, vous allez voir. Je vais vous faire comprendre. (le professeur se met à écrire à un tableau noir imaginaire. Il l'approche de l'Élève, qui se retourne pour regarder.) Voyez, Mademoiselle... (Il fait semblant de dessiner, au tableau noir, un baton; il fait semblant d'écrire au-dessous le chiffre 1; puis deux batons, sous lesquels il fait le chiffre 2, puis en dessous le chiffre 3, puis quatre batons au-dessous desquels il fait le chiffre 4.) Vous voyez...

L'ÉLÈVE
Oui, Monsieur.

LE PROFESSEUR
Ce sont des bâtons, Mademoiselle, des bâtons. Ici c'est un bâton; là ce sont deux bâtons; là, trois batons, puis quatre bâtons, puis cinq bâtons. Un bâton, deux bâtons, trois bâtons, quatre et cinq bâtons, ce sont des nombres. Quand on compte des bâtons, chaque bâton est une unité, Mademoiselle.. Qu'est-ce que je viens de dire?

L'ÉLÈVE
"Une unité, Mademoiselle! Qu'est-ce que je viens de dire?"

LE PROFESSEUR
Ou des chiffres! ou des nombres! Un, deux, trois quatre, cinq, ce sont des éléments de la numération Mademoiselle.

L'ÉLÈVE, hésitante.
Oui, Monsieur. Des éléments, des chiffres, qui sont des bâtons, des unités et des nombres...

LE PROFESSEUR
A la fois... C'est-à-dire, en définitive, toute l'arithmétique elle-même est là.

L'ÉLÈVE
Oui, Monsieur. Bien, Monsieur. Merci, Monsieur.

LE PROFESSEUR
Alors, comptez, si vous voulez, en vous servant de ces éléments... additionnez et soustrayez...

L'ÉLÈVE
, comme pour imprimer dans sa mémoire. Les bâtons sont bien des chiffres et les nombres, des unités?

LE PROFESSEUR
Hum... si l'on peut dire. Et alors?

L'ÉLÈVE
On peut soustraire deux unités de trois unités, mais peut-on soustraire deux deux de trois trois? et deux chiffres de quatre nombres? et trois nombres d'une unité?

LE PROFESSEUR
Non, Mademoiselle.

L'ÉLÈVE
Pourquoi, Monsieur?

LE PROFESSEUR
Parce que, Mademoiselle.

L'ÉLÈVE
Parce que quoi, Monsieur? Puisque les uns sont bien les autres?

LE PROFESSEUR
Il en est ainsi, Mademoiselle. Ça ne s'explique pas. Ça se comprend par un raisonnement mathématique intérieur. On l'a ou on ne l'a pas.

L'ÉLÈVE
Tant pis!

LE PROFESSEUR
Écoutez-moi, Mademoiselle, si vous n'arrivez pas à comprendre profondément ces principes, ces archétypes arithmétiques, vous n'arriverez jamais à faire correctement un travail de polytechnicien. Encore moins ne pourra-t-on vous charger d'un cours à l'École polytechnique... ni à la maternelle supérieure Je reconnais que ce n'est pas facile, c'est très, trèS abstrait... évidemment... mais comment pourriez vous arriver, avant d'avoir bien approfondi les éléments premiers, à calculer mentalement combien font, et ceci est la moindre des choses pour un ingénieur moyen -- combien font, par exemple, trois milliards sept cent cinquante-cinq millions neuf cent quatre-vingt-dix-huit mille deux cent cinquante et un, multiplié par cinq milliards cent soixante-deux millions trois cent trois mille cinq cent huit?

L'ÉLÈVE, très vite.
Ça fait dix-neuf quintillions trois cent quatre-vingt dix quadrillions deux trillions huit cent quarante quatre milliards deux cent dix-neuf millions cent soixante-quatre mille cinq cent huit...

LE PROFESSEUR, étonné.
Non. Je ne pense pas. Ça doit faire dix-neuf quintillions trois cent quatre-vingt-dix quadrillions deux trillions huit cent quarante-quatre milliards deux cent dix-neuf millions cent soixante-quatre mille cinq cent neuf.,.

L'ÉLÈVE
... Non... cinq cent huit...

LE PROFESSEUR, de plus en plus étonné calcule mentalement.
Oui... Vous avez raison... le produit est bien... (il bredouille inintelligiblement)....quintillions, quadrillions, trillions, milliards, millions... (distinctement.) ...cent soixante-quatre mille cinq cent huit... (stupéfait.) Mais comment le savez-vous, si vous ne connaissez pas les principes du raisonnement arithmétique?

L'ÉLÈVE
C'est simple. Ne pouvant me fier à mon raisonne ment, j'ai appris par coeur tous les résultats possibles de toutes les multiplications possibles.

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